Groupe Kering et développement durable
Les
entreprises de luxe sont confrontées à une question sensible liée à la
durabilité de leurs marques en temps de crise et de changement rapide. De nos
jours, les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par la manière dont
l'argent doit être dépensé aujourd'hui pour contribuer au bien-être des
personnes d'aujourd'hui et des générations futures ; c'est pourquoi de
nombreuses entreprises de luxe opérant dans le secteur de la mode ont
considérablement augmenté leur engagement en matière de durabilité au cours des
dernières décennies. Elles reconnaissent que les consommateurs ne perçoivent
plus la durabilité comme le contraire de la beauté et de l'élégance, mais
qu'ils recherchent plutôt des produits qui sont à la fois de haute qualité et
bons pour la société.
La
société française Kering, leader mondial de l'habillement et des accessoires,
est également reconnue dans le monde entier comme l'une des plus actives en
matière d'initiatives de développement durable.
Selon
le « Global 500 Green Rankings » publié par Newsweek en 2014, Kering
est l'une des entreprises mondiales les plus vertes, sur la base de
l'évaluation de huit indicateurs clés de performance tels que l'énergie, les
gaz à effet de serre, la rémunération liée au développement durable ou le degré
d'engagement de la gouvernance interne en matière de développement durable.
Kering
a fait savoir qu'il était profondément engagé et a développé une stratégie
d'entreprise durable visant à protéger et à respecter l'environnement et la
société (Kapfere et Michat 2015 ; Luc 2014). Lors du Milano Fashion Global
Summit 2015, Michael Beutler, directeur des opérations de durabilité de Kering,
a expliqué l'importance stratégique et opérationnelle que Kering accorde à un
comportement durable.
Dans la pratique, Kering
a mis en place un certain nombre d'initiatives visant à devenir plus durable,
notamment dans les domaines de l'approvisionnement en matières premières et
de la fabrication. Selon M. Beutler, toutes les marques de Kering ont une
approche durable, mais certaines sont plus avancées que d'autres, comme Stella
McCartney, une marque qui a ancré la durabilité dans son mode de vie et sa
philosophie d'entreprise.
Stella
McCartney est une marque de luxe britannique profondément engagée dans le
développement durable. Elle se définit comme une marque de luxe végétarienne,
c'est-à-dire une marque qui évite d'utiliser ou de tuer des animaux pour le
commerce de la mode. Cela permet à Stella McCartney de se démarquer dans une
industrie qui dépend souvent du cuir, de la fourrure et d'autres produits
d'origine animale comme intrants. La mission de Stella McCartney est d'être une
entreprise responsable, honnête et moderne. Par responsable, l'entreprise
entend qu'elle veut fonctionner d'une manière qui respecte la planète, ainsi
que les gens et les animaux qui y vivent (Shih et Agrafiotis 2016).
Sans
complaisance et en toute honnêteté, l'entreprise vise à communiquer ce qu'elle
fait et ce qui peut être amélioré. Toute en reconnaissant volontiers qu’elle
n’est pas parfaite, cette organisation promet à ses clients, et à la planète,
qu'elle opérera toujours de manière à respecter l'environnement. Enfin,
l'aspect moderne de la mission de Stella McCartney fait référence à sa promesse
de changer, avec le temps, la perception de l'éco-mode par le consommateur.
Pour
Stella McCartney, la modernité fait référence à l'avenir du design ainsi qu'à
l'avenir de la planète. En effet, tous ses produits sont en effet fabriqués de
manière à ce que des pratiques responsables, honnêtes et modernes soient
synonymes de beauté et d'élégance. L'une des façons dont Stella McCartney met
en œuvre sa mission est dans le choix des tissus. Le polyester utilisé dans les
vêtements Stella McCartney est fabriqué à partir de plastique recyclé. De même,
Stella McCartney utilise du coton biologique, ce qui, selon elle, est cohérent sur
le plan environnemental et social du groupe Kering.
Stella
McCartney s'est également engagée à assurer le respect des travailleurs dans le
cadre de « l'Ethical Trading Initiative », [1] une
alliance d'entreprises, de syndicats professionnels et d'ONG qui s’engagent le
respect des travailleurs dans le monde entier (Gwilt 2014). Les membres de
l'alliance refusent de discriminer ou d'exploiter les travailleurs, et ils
promeuvent l'égalité des droits au travail dans des conditions de travail sûres
et sécuritaires.
Avec
cette initiative, la marque Stella McCartney a soutenu l'emploi des femmes et
promu l'égalité des sexes. Ce ne sont là que quelques-unes des façons dont
Stella McCartney contribue à la réalisation de l'objectif de Kering pour
l'ensemble du groupe. Labellisé
« Kering Sustainability Targets » le groupe vise à réduire son impact
environnemental sur l'ensemble de sa chaîne d'approvisionnement, par exemple en
termes de déchets et d'eau.
Une
autre marque de Kering, Gucci, prend également la tête des initiatives de
développement durable. Guccio Gucci a fondé la marque italienne de mode et de
maroquinerie en 1921. Au cours du siècle dernier, la société est devenue
synonyme d'élégance, de créativité, de savoir-faire et de « Made in
Italy ». Gucci fabrique des vêtements pour femmes, hommes et enfants,
ainsi que des articles de maroquinerie, des lunettes de soleil, des parfums et
des cosmétiques. La société a pour objectif de rester l'une des plus grandes
marques de luxe mondiales tout en protégeant l'environnement et en respectant
les droits de l'homme (Amatuli et al. 2017).
En
2004, Gucci a été l'une des premières entreprises à mettre volontairement en
place un programme de RSE visant à protéger et à respecter les travailleurs.
Elle a obtenu la certification SA8000 pour cet effort. Dans un effort complémentaire, Gucci a établi
en 2005 une coopération à long terme avec l'UNICEF, en investissant 20 millions
de dollars au cours des dix dernières années dans les programmes de l'UNICEF
pour les femmes et les enfants en Afrique et en Asie (Amatuli et al. 2017).
En
outre, Gucci collabore avec la Kering Corporate Foundation dans le cadre de
l'initiative de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Au-delà de son
action en faveur des droits de l'homme, Gucci est également profondément engagé
dans la protection et la préservation de l'environnement, d’ailleurs, en 2010, a
débuté une politique d’utilisation des emballages fabriqués avec du papier
certifié par le « Forest Stewardship Council », qui est 100 %
recyclable.
En
plus de ces activités, plusieurs collections écologiques ont également été
lancées - des produits spécialement conçus pour utiliser des processus ou des
intrants durables. Gucci a bel et bien été la première entreprise à concevoir
une paire de lunettes de soleil fabriquée à partir de « bois
liquide », un matériau biodégradable et éco-durable composé de fibres de
bois provenant de forêts gérées durablement, de lignine issue du processus de
fabrication du papier et de cire naturelle. Le bois liquide remplace le
plastique utilisé pour la fabrication des montures. Autre exemple, en 2012, a été
présenté une collection de chaussures écologiques pour femmes et pour hommes
fabriquées avec du bioplastique, un matériau biodégradable qui remplace le
plastique normal.
Gucci
s'efforce également de changer les pratiques dans le secteur de la joaillerie
en ce qui concerne l'environnement et les droits de l'homme. En 2012, la
société a obtenu le certificat du « Responsible Jewelry Council
(RJC) », [2] qui
atteste qu’elle opère dans le respect des normes éthiques, sociales et
environnementales établies par le RJC. Enfin, il est important de remarquer que
Gucc iest la première entreprise de luxe à lancer un cuir « sans
métal » afin de réduire l'impact du processus de tannage du cuir sur
l'environnement. Comme son nom l'indique, le cuir sans métal n'utilise pas de
métaux lourds pour le tannage et ne produit donc pas d'eaux usées contenant des
niveaux de métaux toxiques. Cette année (2019), l’utilisation de la fourrure a
été abandonnée dans les collections.
Mais
pour revenir à la mère de ces marques, en 2013, Kering est listé dans le
« Dow Jones Sustainability Index (DJSI) « World & Europe et le
« CDP Climate Disclosure Leadership Index (CDLI) France » et
crée cette année-là le Materials Innovation Lab (MIL), une bibliothèque
d'échantillons de tissus et de textiles durables. Les équipes créatives des
marques peuvent accéder et choisir des alternatives durables et responsables
pour leurs collections. La sélection de la bibliothèque de plus de 3 000
échantillons est basée en Italie et est continuellement renouvelée. En
cohérence avec le périmètre du Groupe, elle fonctionne comme une véritable
plateforme de matériaux et de procédés.
Plus
tard en 2017, Kering a présenté les trois piliers de sa stratégie de
développement durable pour 2025 : « Care, Collaborate and Create »
(Prendre soin, Collaborer, Créer) de nouvelles cibles et une ambition
renouvelée : « Crafting
tomorrow’s Luxury ». (Créer le Luxe de
demain).
En
faisant la promotion du design durable, Kering réduit l'impact environnemental
de ses produits, de l'approvisionnement en matières premières à leur
fabrication, leur transport et autres activités.
Le
Groupe s'est engagé à réduire son compte de résultat environnemental (EP&L)
sur l'ensemble de sa chaîne d'approvisionnement de 40 % d'ici 2025. Cette
méthodologie développée par le Groupe pour mesurer et attribuer une valeur
monétaire à l'empreinte environnementale de l'ensemble de sa chaîne
d'approvisionnement a été saluée et récompensée à plusieurs reprises.
Kering
vise également une réduction de 50 % de ses émissions de carbone d'ici 2025
dans les domaines 1 à 3 du Protocole sur les gaz à effet de serre. Au-delà de
son engagement à réduire les émissions dans l'ensemble de ses activités, l’enterprise
dispose d'un programme de compensation pionnier par le biais de projets REDD+
qui soutient la conservation de certaines des forêts les plus bio-diversifiées
du monde tout en contribuant aux moyens de subsistance des communautés locales.
En 2019, Kering l’engagement à été pris d’atteindre une neutralité carbone totale
dans l'ensemble du Groupe en compensant les émissions annuelles de gaz à effet
de serre du Groupe à partir de 2018, en plus de tous les efforts visant à les
éviter puis à les réduire.
L’on
promeut également de nouvelles pratiques durables liées à la consommation
d'eau, à la pollution de l'air et de l'eau, aux déchets et à l'utilisation des
sols, comme le programme « Clean by Design », dont la première phase
s'est achevée en 2017 à la suite d'audits visant à améliorer l'efficacité
énergétique et à optimiser la consommation de ressources de 24 usines textiles partenaires.
Une nouvelle phase portant sur six usines en Chine est en cours. De nombreux
audits ont été réalisés depuis début 2017, permettant de réduire de plusieurs
milliers de tonnes par an les émissions de dioxyde de carbone.
L'objectif
de Kering est de parvenir à une transparence de 100 % d'ici 2025. L'objectif est ici d'améliorer la traçabilité
et d'augmenter progressivement l'utilisation de matières premières provenant de
sources responsables et bien gérées. Un autre objectif est de faire en sorte
que d'ici 2025, 100 % des fournisseurs de Kering répondent aux normes fixées
par le Groupe en matière d'environnement, de traçabilité, de bien-être des
animaux, d'utilisation de produits chimiques et de conditions de travail.
Ils
font d’ailleurs partie du « Fashion Pact » (pacte de la mode),
lancé au Sommet du G7 en août 2019, à Biarritz. Le Pacte de la mode est une
coalition mondiale d'entreprises de l'industrie de la mode et du textile, y
compris des fournisseurs et des distributeurs, tous engagés dans un noyau
commun d'objectifs environnementaux majeurs visant à réduire l'impact de leur
industrie sur l'environnement.
Pour
préserver notre planète, toutes les entreprises du pacte s'engagent dans trois
domaines clés : l'arrêt du réchauffement climatique, la restauration de la
biodiversité et la protection des océans. Par définition, le Pacte de la Mode
est une démarche collective. Il est ouvert à toutes les entreprises qui
souhaitent contribuer à transformer radicalement les pratiques de l'industrie
et répondre aux défis environnementaux de notre époque.
La plupart des informations contenues dans
l'étude de cas ont été obtenues à partir de la page d'accueil de Kering. http://www.kering.com
[1] Plus information sur https://www.ethicaltrade.org/
[2] Responsible Jewellery Council—Code of practices. London:
Responsible Jewellery Council http://www.responsiblejewellery.com/files/RJC_Code_of_Practices_2013_eng.pdf.
- Amatulli C, De Angelis M, Costabile M & Guido G. (2017). Sustainable Luxury Brands, Evidence from Research and Implications for Managers. London : Palgrave Macmillan-Springer.
- Gwilt, A. (2014). A practical guide to sustainable fashion. London : A&C Black.
- Luc, F. (2014). The luxury industry in the wind of change toward sustainability. Building Sustainable Legacies: The New Frontier Of Societal Value Co-Creation, 2014(4), 8–34.
- Kapferer, J.-N., & Bastien, V. (2015). The luxury strategy: Break the rules of marketing to build luxury brands (2nd ed.). London : Kogan Page.
- Kapferer, Jean-Noël. (2017). Advances in Luxury Brand Management. Suisse : Palgrave Mcmillan.
- Shih, W. C., & Agrafiotis, K. (2016). The sustainable luxury craft of bespoke tailoring and its’ enduring competitive advantage. In Handbook of sustainable luxury textiles and fashion (pp. 137–161). Singapore : Springer.
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